Et que penser de l'attitude de l'Europe avec la Russie ?

Nous partageons le sentiment et l'analyse d'Axel Kahn : que penser d'un gouvernement en vacances pendant ce temps là ?

 

MAIS OÙ EST DONC PASSÉE L'EUROPE DE LA PAIX DANS LA PROSPÉRITÉ ?

Je suis né en Touraine du sud à la fin de la seconde guerre mondiale dans une famille aux ascendances européennes multiples, allemande et suisse allemande, italienne, et, en ce qui concerne la France, alsacienne, champenoise et bourguignonne. C'est de la sorte très naturellement que je me suis senti, jeune homme, la fibre européenne, sensible à la vision des pères fondateurs (Altiero Spinelli, Jean Monnet, Robert Schumann, Winston Churchill et quelques autres) de la construction d'une Europe unie des valeurs (très marquées aux origines par la démocratie chrétienne) et des biens, apte à exorciser le spectre d'une de ces guerres qui depuis des siècles ravageaient à intervalles réguliers le continent sinon berceau de l'idée de Progrès et des Lumières.

Mon soutien à cet idéal m'a conduit à présider à Bruxelles la Commission des Sciences de la Vie, à approuver le traité de Maastricht et à refuser en 2005, en tant qu'Européen convaincu, le Traité constitutionnel. Je reprochais en effet à ce dernier de reposer sur une conviction libérale néoclassique peut-être honorable mais qui n'avait rien à faire dans le libellé d'une constitution.

Or, je me demande aujourd'hui, un peu effaré, ce qu'il est advenu de ce bel idéal. Pire, même, j'observe que par certains aspects les à-priori idéologiques présidant à la construction européenne l'ont entraînée dans une spirale de décrochage économique d'avec les États-Unis et les plus dynamiques des pays d'Asie. Le risque de déflation, la maladie la plus grave de l'économie selon Keynes et la plupart des économistes, a été annoncé et dénoncé depuis des années, fruit d'une politique d'investissements restrictive et de la monnaie forte, obnubilée par l’inflation. La mise en garde qu'une insuffisance de la demande intérieure serait à terme redoutable pour tous les pays, à l'exception - et encore - de ceux qui, négligeant leur marché intérieur, fondent leur croissance sur leurs exportations, aboutit au drame qu'est la rechute dans la récession de nombreux pays du sud et au ralentissement net de la croissance ailleurs, y compris chez le champion allemand qui avec ses nettement moins de 2% ne brille guère à l'échelle mondiale.

Reste la paix, elle n'a pas de prix et peut encore constituer une justification amplement suffisante à l'idéal européen. Cependant, l'Europe telle qu'elle fonctionne et agit en 2014 pourrait bien se révéler insuffisante aussi en ce domaine. C'est bien entendu l'évolution de la crise ukrainienne qui alimente mon inquiétude. Je crois réellement que la situation là-bas constitue une grave menace pour la paix en Europe dont on a portant bien besoin alors que le reste du monde s'embrase. Et il me semble que la politique menée par l'Europe a contribué à la gravité actuelle de la situation plutôt qu'elle n'a permis de l'améliorer.

Je fonde mon analyse sur les arguments suivants :

1, lorsque le lendemain de la signature d'un accord entre les révoltés de Maïdan, le pouvoir ukrainien, l'envoyé russe et trois Ministres des affaires étrangères européens, les premiers l'ont violé et ont pris le pouvoir, seul le Ministre allemand a d'abord remarqué qu'un accord était fait pour être appliqué, avant de s'aligner totalement comme ses confrères, dont le Français, sur l'action des leaders du mouvement de Maïdan. Or, n'importe quel diplomate au fait des réalités savait qu'une Crimée ukrainienne, depuis le "cadeau" de Khrouchtchev, et dans laquelle les Russes ont positionné l'essentiel de leur flotte de guerre, n'était acceptable par eux qu'à la condition que le pouvoir à Kiev ne leur soit pas franchement hostile. Je ne dis pas qu'ils "avaient le droit" d'avoir cette position, j'observe seulement qu'ils l'avaient et qu'elle était connue. L'appui inconditionnel aux révolutionnaires russophobes de Maïdan impliquait par conséquent la probabilité d'une action russe sur la Crimée alors que l'Europe - ni d'ailleurs les USA - n'était pas prête à se battre pour la conserver à l'Ukraine. Mal joué, vraiment, très mal joué.

2, Après la rencontre de Poutine et de Porochenko sous l'égide de François Hollande et à l'occasion de l'anniversaire du débarquement, un cessez-le-feu a été décidé entre les miliciens des provinces pro-russes rebelles de l'est de l'Ukraine et le pouvoir de Kiev, des négociations - certes difficiles - se sont engagées entre les belligérants sous l'égide de l'OSCE. Soumis à une forte pression de ses ultras (certains campent toujours sur la place de Maïdan), Porochenko a décidé unilatéralement en juillet d'une reprise des hostilités, prenant les Européens à contre-pied mais avec le soutien de l'OTAN et d'Obama. Une fois de plus, l'Europe s'est alignée sur la politique la plus dure. Aujourd'hui, les combats ont déjà tué 1300 personnes, les grandes villes russophones où vivaient plusieurs millions de Russes et d'Ukrainiens sont bombardées, 300.000 réfugiés déjà ont fui, la plupart en Russie, les combats s'approchent de la frontière russe. Là encore d'un strict point de vue de "Realpolitik", qui peut croire un instant que les Russes laisseront écraser à leur frontière les villes rebelles ou résident des populations russes et amies. Même si Poutine y était prêt, son opinion s'y opposerait sans doute radicalement. J'accepte volontiers que l'on dénonce les milices pro-russes, que l'on critique la Russie de les armer mais ma question demeure : sachant que la situation actuelle conduit à une haute probabilité, soit d’un conflit interminable, soit en cas de combats croissant au centre même des villes, d'intervention que les Russes justifieraient par l'urgence humanitaire (d'autre s'en servent tant !!), qu'est-on prêt à faire ?

3, L'Union fait la force, parfois elle précipite la tragédie. Le système des alliances automatiques a joué un rôle patent dans le déclenchement de la Grande Guerre : d'un côté, la Serbie, puis en cascade la Russie, la France, la Grande Bretagne ; l'Autriche puis l'Allemagne de l'autre. L'Union européenne est aujourd'hui composée de pays qui, sur son versant est, ont toutes les meilleures raisons historiques du monde de détester la Russie et d'autres pour lesquels, à l'Ouest, les Russes ont plus souvent été des alliés que des ennemis. La différence des positions entre eux est de la sorte assez naturelle. Cependant, on assiste en ce moment sur le plan diplomatique à une sorte de prise en otage du second groupe de pays par le premier, plus rien ne persiste de la prudente position d'équilibre symbolisée par Charles de Gaulle et la plupart des Chanceliers allemands et là réside une partie de ce qui est pour moi dans cette affaire une série incroyable de faux pas stratégiques dont les conséquences m'inquiètent au plus haut point. En fait, en l'absence de diplomatie et d'armée européenne crédibles, c'est à un effacement de l'Europe que l'on assiste sur le plan international, réduite au rôle de soutien obligé d'une OTAN qui n'espérait pas, après l'effondrement du camp des États communistes européens, bénéficier désormais d'une telle influence et, bien entendu, des États-Unis. Il est dans "l'ADN" de l'OTAN de se trouver un ennemi redoutable justifiant son action et aucune politique apaisante ne peut en être attendue. Quant aux États-Unis, les vrais patrons de l’OTAN, après le désastre de leur politique partout, en Asie hier, en Irak, en Afghanistan, au Moyen-Orient, j'ai renoncé à toute analyse rationnelle de leur action.

Axel Kahn, le huit août 2014.

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